Il fait beau, alors aller s’asseoir dehors. S’asseoir, de préférence à l’ombre. Il y a des gens autour. Parce qu’il fait beau, tous ont eu la même idée, tous, l’envie de profiter de la chaleur et du soleil, profiter des sièges disposés là et de l’ombre des parasols.
On sort son livre, qui n’est pas un livre, qui n’est pas même une liseuse, mais c’est pareil pour nous. On est sorti pour s’acheter un sandwich à emporter, on pensait rentrer et le manger au bureau, où sont des livres et la liseuse, mais la chaleur est douce sur la peau, on est bien dehors et on s’assoit et on sort son téléphone. Beaucoup à lire de toute façon, des textes sauvegardés pour plus tard, A guide for creative writing de Malt Olbren traduit par François Bon, et on commence à lire et à manger, tout ensemble : nourriture pour le corps et nourriture pour l’esprit. Au début, on a du mal à se concentrer, alors on finit le sandwich et on lit après, mais toujours les bruits autour qui parasitent, un couple qui parle, un téléphone qui sonne, un bébé qui pleure, mais la lecture est forte et on finit par ne plus entendre les bruits et on oublie les gens. On oublie jusqu’au monde tout autour. On est bien, bien dans le livre et bien dans la chaleur de ce début d’été. On finit le texte en cours et on le laisse infuser, on est bien et on voudrait s’allonger. On se déplace, on se met au soleil et on ferme les yeux. Quelques minutes, on se dit. Quelques minutes assis au soleil, les yeux fermés. On sent la fatigue qui commence de nous engourdir, on sent le sommeil qui voudrait nous emporter, mais il y a les bruits et les gens autour. Les yeux fermés, on entend mieux. L’esprit au repos, il nous semble que l’on entend tout. On se prend à se laisser porter par les fragments de conversations que le vent porte jusqu’à nous. On laisse les mots venir, on les laisse nous emporter. On ne cherche pas à faire sens, on se laisse doucement partir avec eux… Il y avait plein de feuilles, je lui ai dit… Sa fille, au fond du jardin… Non mais, apparemment il avait l’air bien… Enfin, c’était leur fille aînée pourtant… On a beau dire… Bienvenue au club, elle a dit… C’est l’époque qui veut ça…. Ils font ce qu’ils veulent, hein… C’est pas possible, tu vois… Ils ont envie de rester… Elle est institutrice… Non mais, en même temps, j’veux dire…
Un sursaut, on reprend conscience, on prend conscience que l’on a dormi, porté par les mots et les bruits, les mots des gens qui s’entrelacent et commencent en nous de raconter une histoire. On resterait bien encore un peu, là, assis au soleil. On se laisserait bien encore dériver un peu vers les rives du sommeil, mais on n’arrivera pas à repartir comme ça, on le sait, et puis le temps a tourné, on a trop chaud et il faut repartir travailler. De toute façon, on doit partir.
S’asseoir dehors (Projet 52 – épisode 8)
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3 réponses à « S’asseoir dehors (Projet 52 – épisode 8) »
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J’ai beaucoup aimé. Je fais moi aussi des rêves dans mes sommeils et quelquefois, je les appelle des rêves à grand spectacle. C’est beau de rêver. J’ai dit dans mes sommeils, mais il m’arrive de rêver éveillée. Je pense que c’est une faculté de pouvoir faire cela à notre époque si difficile. Merci Philippe pour votre grande faculté à saisir ces choses.
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stream of consciousness… clapotis… ondes, remous… bercements… éblouissements… les éclats de lumière á la surface des mots…
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Merci. C’est exactement ça…
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