La photo est un souvenir échoué, balayé par les vents contraires de ma mémoire subjective. Sept ans ont passé, je suis à Londres et je me souviens de Tokyo. Cette photo-là n’a rien à voir, et pourtant. Je ferme les yeux. Einstein on the Beach. La musique de Philip Glass, le rêve se poursuit. La nuit à Londres rappelle la nuit à Tokyo. À Tokyo je sors de l’hôtel, les taxis vert bouteille alignés ont leurs moteurs qui tournent, les chauffeurs aux gants blancs fument en attendant le client, imperturbables. À Londres les taxis sont noirs, ils passent en silence. À Tokyo je marche jusqu’à épuiser la nuit. Je traverse Roppongi, je cours dans la nuit pour rejoindre la tour de Tokyo. En chemin, les vieux qui vont se coucher dans les parcs, les buildings, les lumières, le bruit des pachinkos les néons des combinis la ville de métal et de verre : la nuit à Tokyo, ça n’existe pas, le noir complet n’existe pas, c’est un voile qui tombe sur la ville les vieux s’endorment le voile tombe quelque chose se lève qui occupe la ville, quelque chose autre qui vient occuper la nuit. Tout le voyage, mon appareil photo n’a pris que des photos floues, souvenirs imprécis d’un rêve incertain, photos presque effacées, ombres fondues, images vagues d’un songe vaporeux. Dans la nuit le monorail Yurikamome traverse la baie pour rejoindre l’île d’Odaiba. Je suis debout dans le wagon vide au-dessus du Rainbow bridge le visage collé à la vitre la pluie fine les gouttes glissent sur ma joue de l’autre côté. À Londres il pleut aussi, je marche d’un pas rapide, Londres ou Tokyo, c’est pareil, toujours la nuit je marche. Je cours encore, toujours je cours. Je cours pour me retrouver, mais c’est chaque fois trop tard.
Photo : Londres, octobre 2014
Texte extrait d’un projet en cours d’écriture, provisoirement intitulé L’appel de Londres.
Quel magnifique titre… et toujours j’aime cette écriture.
Merci beaucoup Marlen…
Superbe photo !
Il y a moins de lumière à Londres vs Tokyo tout de même 🙂
Très joli texte, très touchant…
Merci Guillaume. Oui, la lumière n’est pas du tout la même à Tokyo et à Londres. Les sentiments, eux, voyagent comme ils veulent.
J’ai trouvé le rapport entre ta photo et ton texte très touchant ! Parce que c’est ton vécu (et la photo est très belle)
they are perfectly framed… the body language you have captured makes me curious what she is telling him 🙂 the subdued tones are superb… and what a beautiful geometry in the whole frame further enhanced by the shadows to the right…
I didn’t have much time earlier to comment, because I wanted to read the text too (via google translte 🙂 yeah, I know… I am perfectly aware I am getting only some part of the meaning, but it helps understand how you see things even better… 🙂
cheers!!
Thank you so much Alexandra for your comment, and for taking the time to read the text. I really appreciate.
Très beau duo, dans la photo, et puis avec les mots.
Pour les photos on parle aussi de « plage » de couleurs (j’adore Philip Glass)…
Oui, belle symbiose entre l’image et le texte, bel échange entre Tokyo et Londres : c’est la mémoire qui fait le point.
Je ne connaissais pas les plages de couleurs. C’est une très belle image, si je puis dire, et qui va si bien avec Philip Glass. Merci de votre visite ici.