La détresse insolite, l’insomnie au compte-gouttes c’est l’éternité dépassée, c’est un fil directeur qui ne se voit pas. Ici, sur cette terre, je n’ai que faire du bonheur, hormis cette vive bouffée de l’intoxication. Je sais que je suis foutu, mais je vais vivre mille ans à l’heure émeraude oubliant la souffrance dans la beauté sombre qui envahit mon sang. Je ne sais pas si j’ai bradé ma vie, et peu m’importe : mon rythme cardiaque ralenti m’entraîne loin de la lourdeur, quand l’acétylation des sentiments les teinte de couleurs chimiques. La fille couchée dans mon lit est vendue aux neurotransmetteurs, elle est démangeaisons sévères et substance illicite, mon héroïne aux dommages permanents, un dragon docile qui tournoie et chante la magie dans le domaine des morts. Elle glisse dans mes veines des monticules de douceurs, suffisamment pour me consumer quand ils refluent.
Je vole, la pensée ouverte comme jamais dans la course folle opiacée, la pensée malade du plaisir de plus en plus éphémère, et je supplie en tremblant mes récepteurs, qui sèchent d’avoir trop navigué dans les mers intérieures, de m’emporter encore.
La caféine et l’aspirine bercent mon coma de fumée opaque. Mon corps précipité hors du monde rare, la peur quelquefois se mue en joie dans le rituel de création.
L’homme à l’aspect spectral aux formes diminuées échoué dans la ville, la belle affaire ! J’ai de la difficulté à comprendre la stigmatisation, moi qui suis plein de milliers d’images à vous couper le souffle, cachées derrière le spectacle navrant des cadavres vivants entassés dans leur jus. La mort rôde, je suppose, tapie derrière le pic de chaleur de l’orgasme semi-synthétique qui ouvre ma bouche vers l’intérieur et m’accompagne jusqu’à dieu. Je marche dans la nausée brunâtre des rues, je brûle à pas comptés, l’héroïne-base coule mes membres dans du vinaigre raffiné, je suis un mutant toxicomane devenu fou, déjà mort à l’extérieur, mais j’ai rencontré l’amour en moi, assez loin pour aller libre par les océans.
Dans l’étrange montée de la pensée privilège je considérais parfois qu’il fallait peut-être partir avant le manque extrême, la douleur en ligne de mire, quand la jouissance en robe vert-de-gris souffle la représentation hallucinée aux fonctions cérébrales. Seulement, j’ai revêtu mon stupéfiant costume et je tiens par la main une fille au goût amer qui me conduit en mon dernier royaume : ma vie se referme en musique dans le ralentissement d’une danse mortelle.
La détresse insolite
Comments
3 réponses à « La détresse insolite »
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J’ai cherché une image pour te dire comment je sens ce texte. Ça pourrait ressembler à ceci : de longues phrases irisées comme autant d’abalones à moitié enfouies dans le sable un jour de brume.
Et par simple envie encore, après trois lectures en trois temps, voici les passages où mon âme se dépose, et se repose.
« … la peur quelquefois se mue en joie dans le rituel de création… J’ai de la difficulté à comprendre la stigmatisation, moi qui suis plein de milliers d’images à vous couper le souffle, cachées derrière le spectacle navrant des cadavres vivants entassés dans leur jus… mais j’ai rencontré l’amour en moi, assez loin pour aller libre par les océans. »
Et l’envie me vient de te dire, si tu ne le connais pas déjà, d’aller écouter Richard Desjardins. Sa poésie est géante. Va-t’en pas, Nataq, Lucky Lucky, Jenny, pour n’en nommer que quatre. Il me semble que ta sensibilité y trouvera un grand écho.
Bonne semaine, Philippe.-
Merci beaucoup Caroline. Je vais m’empresser d’aller le lire et l’écouter.
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Découverte ce matin de Richard Desjardins, que je ne connaissais pas. C’est très fort ! Merci, Caroline, de l’avoir mis sur ma route…
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