Ce que cela coûte – W.C. Heinz

Dès l’instant où je sortis du taxi et mis le pied sur le trottoir, je perçus la tension qui planait sur la foule aux abord du Garden. Invisible, impalpable, intangible mais omniprésente, fragile mais aliénante, je l’avais déjà ressentie dans une compagnie d’infanterie juste avant un assaut, dans le public présent lors d’une exécution, au tribunal avant un verdict et chez les proches d’un mourant à l’agonie. Cette fois, elle s’était abattue sur ces gens qui erraient sur les trottoirs et ces autres, les visages aux aguets, noirs et blancs, qui faisaient la queue pour des places en tribunes. Elle était aussi tombée sur le flic à cheval qui longeait le trottoir, et étouffait les sons en un murmure sourd que seuls venaient briser par intermittence les coups de sifflet de la police et les klaxons, caractéristiques des rencontres de boxe.

— Wilfred Charle Heinz

On dit de la boxe que c’est le noble art. La littérature a aussi ses lettres de noblesse, et si la « narrative non-fiction » (du journalisme écrit comme un roman) est à la mode ces temps-ci, le genre est né aux USA dans les années 50.
Ce que cela coûte est sorti aux USA en 1958. Le boxeur Eddie Brown se prépare à combattre ce qui sera le match de sa vie. Un journaliste, Frank Hughes, le suit dans les jours qui précèdent le combat, attentif au moindre détail. Voilà pour l’histoire, servie par une écriture sèche, un style impeccable.

Un livre aussi puissant qu’un uppercut, et selon Hemingway : « le seul bon roman à propos d’un boxeur que j’ai lu, et un excellent premier roman tout court ». On ne saurait dire mieux.

Traduit de l’anglais par Emmanuelle et Philippe Aronson, le livre est publié aux éditions Monsieur Toussaint Louverture dans une superbe édition, limitée et numérotée à 5000 exemplaires, et vendue 24€.



Cet article a paru dans le Midi Libre daté du dimanche 17 mars 2019.


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Comments

Une réponse à « Ce que cela coûte – W.C. Heinz »

  1. Avatar de Caroline D

    « On se contente de gratter la matière pour en révéler la création. »
    De la poésie, encore de la poésie, jusque dans la boxe.
    Bonne semaine, Philippe.

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