L’homme a délégué son activité aux machines. Il s’est départi pour elles de la faculté de penser. Et elles pensent, les machines. Dans l’évolution de cette pensée, elles dépassent l’usage prévu. Elles ont par exemple inventé les effets inconcevables de la vitesse qui modifient à tel point celui qui les éprouve qu’on peut à peine dire, qu’on ne peut qu’arbitrairement dire qu’il est le même qui vivait dans la lenteur. Ce qui s’empare alors de l’homme, devant cette pensée de sa pensée, qui lui échappe et qui grandit, que rien n’arrêtera plus, pas même sa volonté qu’il croyait créatrice, c’est bien la terreur panique, de laquelle il imaginait les pièges déjoués, présomptueux enfant qui se flattait de se promener sans elle dans le noir. Une fois de plus, à l’origine de cette terreur, vous trouverez l’antagonisme de l’homme qui se considère, et se considère étant, et de cette pensée qui devient. Caractère tragique de toute mythologie. Il y a un tragique moderne : c’est une espèce de grand volant qui tourne et qui n’est pas dirigé par la main.
Le paysan de Paris — Louis Aragon, 1926
L’homme a délégué son activité aux machines
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2 réponses à « L’homme a délégué son activité aux machines »
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Je me suis demandé en écrivant ce qui suit si je m’éloignais trop du propos d’Aragon. Mais à bien y penser, je me dis que non.
Je sais pertinemment que la vitesse à laquelle je fais les choses change entièrement qui je suis. C’est ainsi que je rêve d’être de plus en plus lente. D’apprendre à faire les choses, laver la vaisselle par exemple, en me voyant les faire.
Belle semaine à toi, Philippe.-
Merci Caroline, belle semaine à toi également.
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