
Il y a quelque chose du Peter Pan de J.M. Barrie dans ce beau livre. Quelque chose aussi de Station Eleven, le roman d’Emily St. John Mandel. Il y a surtout le talent de Catherine Leroux, qui s’est attachée à bâtir dans un univers de fin du monde, une ville, Fort Détroit, décalque presque à l’identique de Detroit, mais faisant partie de l’Ontario et non plus des États-Unis. Tout le génie de l’autrice est dans ce presque, dans les marges, les lignes de divergences avec la réalité qui rendent L’avenir si fascinant à lire.
Catherine Leroux s’est également attelée à modeler une langue inédite pour faire parler ses personnages. Les adultes et les enfants ont chacun leurs niveaux de langage, employant des tournures qui empruntent aux différents français, de ceux parlés en Amérique du Nord, au Québec, à Toronto, avec peut-être un soupçon de cajun, le tout mâtiné d’anglicismes. Une langue aux reliefs étranges, vivante et pourtant fictive, à la syntaxe heurtée, mais parfaitement lisible. Cette langue n’existe pas ailleurs que dans ce livre, et pourtant elle nous semble crédible, presque familière.
Le récit commence avec Gloria, qui vient à Fort Detroit pour comprendre ce qui est arrivé à sa fille disparue brutalement, et tenter de retrouver ses deux petites filles, qu’elle connaît à peine. La ville est à l’abandon. Les voisins se serrent les coudes tant bien que mal pour s’en sortir. Quelque part, près du fleuve, des enfants se sont regroupés en communauté, loin des adultes. Deux mondes qui vivent en marge l’un de l’autre ; des deux côtés, des êtres brisés par la vie.
Dans cet univers urbain désolé, en proie aux incendies, à la violence, à une faune et une flore sauvages qui reprennent leurs droits, L’avenir donne à voir une humanité qui se relève et tente de se racheter, après avoir sacrifié les biens les plus précieux qui lui étaient donnés : la nature et ses propres enfants. Un roman d’espoir, qui résonne fort aujourd’hui.
Précision : L’avenir de Catherine Leroux paraît aux éditions Asphalte, qui publiera en mars prochain mon roman, Motel Valparaiso.
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