Le monde va finir — Charles Baudelaire
La lune pleine est partie, et c’est un étrange spectacle : pourquoi rester là, le regard fixé en l’air alors qu’il n’y a plus rien à attendre ?
À Baikonour, au Kazakhstan, une fusée s’est élevée dans le ciel, emportant trois personnes bercées d’apesanteur rallier l’infini, nous laissant seuls dans la nuit noire, écrasés par notre gravité. Il y a plusieurs jours, j’ai vu un animal mort sur le bas-côté de la route. Il aura fallu que ta mort survienne pour que j’y voie un signe. Mon cœur est entré en combustion et mes yeux déversent des torrents de larmes pour inonder la terre. Je flotte en orbite au-dessus de la peine, suivant une trajectoire qui va de la douleur au désespoir, encore à mille lieues de l’acceptation. Oh, je connais bien maintenant la mécanique des sentiments contraires. On croit la crise passée et les sanglots reviennent à pas léger renverser les barrières d’un cœur qui se voudrait de glace. À la fin, je sais, seule compte la gratitude pour tout ce qui fut offert, seulement on réalise trop tard qu’on avait tant d’amour à donner. Ma chemise est mouillée, mes bras serrés déjà ne serrent plus qu’eux-mêmes. Il n’y a plus rien à aimer sinon un souvenir, maintenant que tu dérives au milieu des étoiles.
Je te suivrai un jour, quand les frictions du corps mettront fin à mes fonctions vitales. Nous ne sommes que des satellites attendant d’être libérés de l’attraction terrestre pour rejoindre l’espace, redevenus poussières dans la poussière des astres. Coincé ici sans toi, ma douce, je ne suis plus pour l’heure que tristesse héroïque. Ce monde ne fait que durer et n’a rien à distribuer qui ne soit aussitôt repris.
Et pourtant… j’ai tant pleuré aujourd’hui qu’il s’est mis à pleuvoir, et ce soir la route semblait dérouler son brouillard cotonneux pour apaiser mes yeux embués de chagrin.
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