Je suis un chat errant. Un chat malade, peut-être, et peut-être seul, mais pour rien au monde je ne voudrais d’une autre vie.
Avoir pour maître un homme ? Enfin, voyons, un homme… Un homme, ça pleure, ça geint, ça souffre de nous voir souffrir. Un homme, ça fait comme ça peut, et c’est toujours trop peu. Un homme, je veux bien m’en approcher, d’accord, dans un fauteuil, auprès du feu, un homme sur les genoux duquel je viendrais dormir un moment. Mais qu’il n’essaie pas de me garder, je sais me défendre et nul n’a jamais pu me tenir enfermé.
Un homme pour me nourrir, aujourd’hui que j’ai faim je ne dirais pas non, ni me glisser chez lui, un peu, parce que dehors il pleut. Mais il ne me voit pas. Il travaille, il écrit, et depuis la fenêtre je le regarde faire.
Ce monde qu’il croit diriger, eh bien, il m’appartient ! Le jour quand je dors j’en explore les frontières invisibles, la nuit il est mon territoire et gare à ceux qui croisent ma route. Je suis un chat, un chat errant, chat de gouttière, laissé pour compte ; un chat abandonné, ni Dieu ni maître, et je suis libre. Le maître, c’est moi. Le roi, c’est moi, mais le royaume est triste, et il n’est que souffrance. La vie passe, cependant, et si la vie d’un chat par ici ne vaut finalement pas grand-chose, c’est ma vie et c’est bien tout ce que j’ai.
Pourtant, quand je te croise, toi, si douce qui doucement pleure sur l’un des miens que tu serres si fort contre toi, quand je te vois l’aimer ainsi, alors pour un instant, je me dis que rien ne vaut la vie d’un chat, quand c’est auprès de toi.
Et je me dis qu’au moment de partir, je voudrais être là, moi aussi, dans tes bras.
(Pour L., qui sait pourquoi)
Votre commentaire