Dans l’angle de la pièce aux hauts murs peints couleur ivoire, un bureau. Sur chacun des deux murs qui forment l’angle, deux tableaux proprement encadrés, verre et marie-louise, le premier, à droite, semble représenter trois silhouettes qui s’éloignent dans la distance. L’autre, sur le mur directement derrière le bureau, une mère et son enfant, on dirait une photo. Le bureau, qui semble déborder légèrement sur l’entrée du couloir depuis là où l’on regarde, est encombré d’objets hétéroclites : un bol noir en faïence, un vase, deux gros volumes maintenus debout par des serre-livres ouvragés en bois (coincé entre un livre et sa cale, une fiche bristol vierge de toute inscription), des jumelles posées à la verticale, des papiers en désordres, d’autres livres de formats variables posés à plat, à gauche et à droite du bureau. Également : de petites pièces sculptées en bois représentant des animaux divers (un ours, un chameau couché, etc.), un stylo plume, un encrier, des feuilles blanches, des cahiers, bref, tout le fatras qu’on peut s’attendre à trouver sur le bureau d’un étudiant.
Le jeune homme assis au bureau porte un pull noir sans manche sur une chemise blanche au col ouvert. Il ne sourit pas. Cheveux courts, gominés, plutôt beau garçon, il regarde fixement devant lui, avec une certaine sévérité. Il veut se donner un air mature, certainement, mais ses traits trahissent son très jeune âge. Mon père a 15 ou 16 ans peut-être sur cette photo prise de lui à Port-Saïd à la fin des années 30. Il est plus jeune que le plus jeune de mes fils aujourd’hui. Depuis qu’il n’est plus là, il ne se passe pas un jour sans que je pense à lui. Et toujours, c’est cette photo, dont je n’ai qu’une mauvaise copie, qui me revient en mémoire.

Ce texte a été écrit dans le cadre de l’atelier d’écriture proposé par François Bon sur le tiers-livre (et toujours les vidéos sur ses chaines youtube et Vimeo).
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