La route rouge de Rimbaud

Sognolles-en-Montois
Sognolles-en-Montois

L’été les jours s’étirent en ennuis longs. La route va droit jusqu’au cimetière. La vieille route a des éclats verts et des éclats de verre, des éclats de faïence et de porcelaine, des éclats blancs, jaunes, bleu pâle et rouges. La chaussée bombée, du gravier sur les bas-côtés avant les herbes folles, là où vrombissent les taons à l’affut des peaux moites. Un peu après l’église, un point d’eau, grand carré bordé de béton, 15 ou 20 mètres de côté. Dans un seau métallique, l’eau puisée grouille de têtards. — L’angélus de midi à la cloche de l’église couvre le chant des criquets. Avant le cimetière, la ferme ; en face le portail, les appentis, le poulailler, un vieux tracteur sous une bâche grise. La fermière veut que le garçon l’aide à attraper la poule. — Elle tient l’animal par les pattes, l’attache tête en bas avec une ficelle. Un coup de ciseau, la peau du cou se déchire dans un bruit de tissu. La fermière rit de la détresse de l’enfant. Le sang s’égoutte. Un voile rouge. — Dans la cuisine, sur la table recouverte d’une toile cirée jaune clair, motifs à fleurs, le sang séché et les abats ; les plumes dans une bassine bleue. — Une bouteille plastique coupée en deux, le goulot posé à l’envers pour faire un entonnoir ; du vin et du sucre au fond pour piéger les mouches et les guêpes. Le poulet sort du four. À l’heure du repas, la table est dressée à l’ombre du cerisier. — Le seau en aluminium dans un coin du jardin, les moustiques à la surface de l’eau stagnante. Il n’y aura pas de coassements.


Ce texte a été écrit dans le cadre de l’atelier d’écriture proposé par François Bon sur le tiers-livre. Vidéo explicative ici, sur la chaîne youtube de François Bon.

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