Marlen Sauvage vit en Cévennes où elle anime des ateliers et des stages d’écriture. Sur son blog en parallèle à ses propres écrits, elle publie des extraits de ce travail collectif, tour à tour drôles ou émouvants, et toujours surprenants. Ces derniers mois, son travail personnel à partir de ses vieux carnets m’a particulièrement intéressé.
Tout cet été, nous avons participé à l’atelier virtuel organisé par François Bon, Un été pour écrire. Là encore, j’ai été séduit par son approche de l’écriture. Aussi, lorsqu’elle m’a proposé de participer avec elle aux vases communicants, j’ai aussitôt dit oui. Il nous fallait un fil conducteur, et nous avons choisi le thème du carnet, une fascination commune. Inutile de dire que je suis très heureux d’accueillir Marlen ici sur mon blog, comme je suis heureux d’être présent sur le sien.
J’ai ouvert le tiroir profond de la table en carton vert sapin, rouge framboise. Je les ai détaillés longtemps dans le désordre de leurs couvertures colorées, leurs spirales, leurs textures, leurs épaisseurs, leurs tailles. A chacun une période de vie, un voyage, des états d’âme, des rencontres, des lectures, des amours, des peurs, des dérives, des écritures… Une quête.
Encore aujourd’hui je cherche.
A relire mes carnets, je tente de comprendre.
Et s’il n’y avait rien là que la trace d’une vie ? La vie telle que je l’ai vécue ? L’irracontable est ailleurs.
Et s’il n’y avait à résoudre aucune énigme ?
Et s’il n’y avait que la réalité ? Mais la réalité n’est-elle pas l’endroit de tous les rêves, où se terrent l’imagination et notre propre mystère ?
Ceux-là ont échappé au pire, au feu qui en a saisi d’autres, brûlés dans le poêle de l’hier. Un accident est si vite arrivé… Conscience de la vanité. Le feu ou l’eau. Une cave désertée, livrée au froid et à la pluie, à la dent des rats, et englouties les pages blanches, quadrillées, lignées, écrites à l’encre de couleur selon les affres, les envies, les stylos. Rongées. Rognées. Tachées. Toute une généalogie qui bascule dans la moisissure ; des générations de pensées, d’impressions, de sentiments, d’hypothèses, d’idées fixes, de projets, d’obsessions, de chimères. Et tous ces personnages. Nos corps déjà sont peu de choses. Le feu et l’eau, les bras du temps contre lesquels on ne s’aventure pas. Détruisant nos carnets, ils nous étreignent, et avec nous toutes nos réminiscences, nos amertumes, nos exaltations, nos arrière-goûts. Dois-je dire « Heureusement, les autres ont résisté » ? J’hésite. La matière pèse son poids de doutes.
Ce qu’il faudrait de souffle pour tracer dans l’air l’euphorie des mots, ce qu’il faudrait de transes hors du troublant absolu charnel pour frôler l’éther. Ce qu’il faudrait de désir satisfait pour ne plus s’oublier dans ces carnets, témoins d’une quête perpétuelle…
Marlen Sauvage
(photo : Marc Guerra)
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