Paperolles et fiches Bristol

Je pourrais écrire des pubs pour les déodorants ou des étiquettes pour les bouteilles de ketchup, s’il le fallait. Le miracle qui consiste à transformer des idées en pensées, et des pensées en mots, et de donner vie aux mots par le métal et l’encre d’imprimerie, ne perd jamais de sa force pour moi. — John Updike

Le miracle qui consiste à transformer des idées en pensées, et des pensées en mots, et de donner vie aux mots par le métal et l’encre d’imprimerie, ne perd jamais de sa force pour moi.

Une phrase que je vais imprimer sur une carte et afficher sur mon tableau 1, pour la relire chaque matin jusqu’à la connaître par coeur…

J’assume mes contradictions : hier, cherchant comment un auteur autre que moi pourrait aborder les tâches qui m’attendent, espérant y trouver la motivation nécessaire, je suis tombé dans un trou de souris qui m’a conduit à disserter tout le temps que j’avais disponible sur Updike et Nabokov, trouvant certes chez eux la confirmation de ma méthode — rigueur, routine quotidienne — sans pour autant la mettre immédiatement à profit.

J’exagère, comme toujours : peut-être s’agissait-il d’une étape nécessaire. J’ai tout de même travaillé à mon récit de non-fiction ensuite, une petite heure, disons, d’abord à la main, sur le tapuscrit du journal intime, puis dans IAWriter, en retravaillant le prologue déjà écrit, puis en posant les bases des trois premiers chapitres. En travaillant sur le tapuscrit, j’ai vu des correspondances avec l’autre journal, celui tenu au Japon en novembre dernier, des ponts plutôt, qui permettront de lier l’un à l’autre de manière fluide. N’est-ce pas ce que je recherchais depuis le début ?

Mais une fois encore, je tâtonne sans arriver à débloquer mon dilemme : dois-je commencer par le voyage ou par le récit proprement dit ? Les deux en même temps, peut-être ? Est-ce que j’y verrais vraiment plus clair, en ayant les deux tapuscrits imprimés et sous mes yeux ? 

Proust n’écrivait pas son œuvre de façon linéaire. Il composait par séquences isolées qu’il montait, démontait et remontait, en ajoutant sans cesse des éléments nouveaux au texte initial. Cela se traduisait physiquement par l’usage des paperolles, sortes de « patchs » de papier collés sur les pages pour intégrer ses ajouts.

C’est tentant, évidemment. Finir de relire d’abord le journal intime, continuer dessus le travail qui consiste à élaguer ce qui n’apporte rien au texte, supprimer les lourdeurs et les répétitions. Puis le réimprimer, ainsi que le récit du voyage sur lequel j’aurai fait le même travail. Comme Proust, ensuite, couper et coller (physiquement !) des paperolles dans un document commun…


Nabokov’s creative processes involved writing sections of text on hundreds of index cards, which he expanded into paragraphs and chapters and rearranged to form the structure of his novels, a process that many screenwriters later adopted. (Wikipedia) 2


Nabokov et Proust. Les fiches cartonnées et les paperolles. Trouver ma méthode, qui s’inspirerait des deux. Construire avec ça les deux projets qui m’occupent. Deux projets sur le feu, on le sait, c’est la meilleure façon d’avancer. Les paperolles pour le récit de non-fiction. Les fiches pour le roman, afin d’en mieux établir la structure.


La neuvième édition de Bruit/Blanc, mon journal photographique, est en ligne. Vous pouvez y accéder en cliquant ici ou sur l’image.


  1. J’ai, posé devant moi sur mon bureau, un tableau en liège où sont quelques photos, des post-it et les listes de mes projets en cours. À la fois
    Pending board et Motivation board, si l’on veut : l’inspiration et le rappel des
     tâches en attente. ↩︎
  2. Les processus créatifs de Nabokov consistaient à écrire des sections de texte sur des centaines de fiches, qu’il développait en paragraphes et en chapitres et qu’il réorganisait pour former la structure de ses romans, un procédé que de nombreux scénaristes ont adopté par la suite. ↩︎


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Une réponse à « Paperolles et fiches Bristol »

  1. Avatar de francoiserenaud

    paperolles à disposer au sol ou au mur selon la place dont on dispose et articuler les unes aux autres jusqu’à trouver l’ordre idéal ou faire confiance au hasard… oui, certains utilisent ce système

    pour ma part, je préfère opter pour la fluidité du texte en moi, le retrouver chaque jour si possible, le récit devenant proche d’une eau qui coule quoi qu’on fasse…

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