Les Vases communicants, échanges de textes d’un blog à l’autre, ont lieu chaque premier vendredi du mois.
C’est avec une très grande joie que j’accueille ici une nouvelle fois Anne-Sophie Bruttmann. Anne-Sophie, historienne d’art à Paris I (chargée de com pour France 5 pour vivre, dit-elle), tient un blog où elle publie quelques trop rares textes et poésies, et sinon parle de photo, de cinéma et d’art contemporain.
Une pluie fine commençait de tomber. Il avait lâché ma main et était rentré à l’intérieur. Lorsque je le rejoignis, nous étions seuls dans le bar. Nous trinquâmes une dernière fois. Nous nous embrassâmes devant la porte. Bientôt, chacun partit de son côté.
Je ne savais plus comment me défaire de lui. Ce n’est pas parce qu’on boit autant que ça doit finir en logorrhée. Je ne supporte plus tous ces gens qui parlent, qui veulent. Je pars seule parce que je ne veux plus rien entendre.
Pendant des mois il me voulait. Il a fini par m’avoir. Et alors ? C’était affreusement ennuyeux. Et pendant ce temps je couchais avec un autre, qui ne parlait pas. On se retrouvait dans des voitures, dans la forêt proche, absolument comme des gosses. Personne ne sait à quel point je m’ennuie. Je savais que ce soir il me regardait comme s’il voulait que je lui appartienne. Pas tant physiquement que comme objet. Ça doit être pour prouver quelque chose, mais je ne sais pas quoi. De toute façon, je ne sais pas grand-chose de lui. Il ne cesse pas de parler, mais c’est toujours tellement factuel. Pourquoi m’a-t-il toujours embrassée comme s’il avait peur de me faire mal ? En somme, j’étais sa poupée de porcelaine. J’aurais préféré être une poupée gonflable. Peut-être y aurait-il mis plus de cœur.
Il avait l’air énervé. Pourquoi ai-je accepté de boire ce verre ? Pour donner une autre chance ? Ca n’existe pas, déjà que les premières… Conneries. Il m’a transformée en eau tiède. J’ai trop bu. Je me sens mal. Quel con. Il n’avait qu’à appeler un taxi. Pourquoi les hommes sont-ils si incapables de lire en nous ? Bien sûr que je l’aurais suivi. Je ne l’aime pas, mais qu’est-ce que ça peut foutre ? Il me traitait comme une dame. Mais quelle horreur. Comme s’il me prenait pour sa femme. Avec distance, avec recul.
Je vieillis. Je n’ai plus les mêmes réactions. J’aurais pu aussi le plaquer contre le bar. Quelle plaisanterie ces histoires. Seule. Je veux être seule.
Texte : Anne-Sophie Bruttmann / Photo : Philippe Castelneau
Mon texte sur le blog d’Anne-Sophie est à retrouver ici.
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