Ravager le réel

Le fantastique suppose la solidité du monde réel, mais pour mieux la ravager. Le moment venu, contrairement à toute possibilité ou vraisemblance sur la paroi la plus rassurante, comme jadis au monarque de Babylone apparaît la signature de phosphore. Alors vacillent les certitudes les mieux assises et l’épouvante s’installe. — Roger Caillois

Belle surprise hier matin au marché de Quissac, une petite ville à quelques kilomètres de chez moi : coincé entre le boulanger et le stand de quincaillerie, un bouquiniste que je voyais pour la première fois. Un choix exigeant, d’anciennes éditions de classiques du surréalisme (du Breton, du Artaud), des titres des collections Bouquin ou Quarto, quelques grands formats d’Alia sur la musique, de nombreux ouvrages édités par Fata Morgana, une sélection d’essais engagés, sociaux et politiques, et même un peu de régionalisme.

Mais ce qui a retenu immédiatement mon attention, ce sont ces deux beaux volumes parus chez Gallimard en 1966 (deuxième édition considérablement augmentée de celle de 1958), une anthologie du fantastique, dirigé par Roger Caillois, auteur que j’ai beaucoup lu à vingt ans, grand passeur de littérature sud-américaine en France (Borgès, Neruda, entre autres !), qui, comme beaucoup de ces auteurs qui ont cheminé avec le surréaliste avant de rompre définitivement avec lui, nous ont légué un héritage intellectuel souvent plus riche que les godillots du mouvement.

En voici l’argumentaire :

La présente anthologie réunit et confronte des récits fantastiques de terreur issus des différents pays du monde. Elle présente une anthologie de la peur imaginaire, un catalogue des motifs d’épouvante non point réels, mais inventés par l’homme, de toutes pièces, sans obligation, par plaisir. Pour admettre un récit dans le florilège maudit, l’auteur du recueil a exigé qu’il remplisse une condition nécessaire et suffisante, qu’il n’est pas inutile de formuler ici, non sans pléonasme, sous ses deux aspects complémentaires: la terreur doit être engendrée seulement par une intervention surnaturelle; l’intervention du surnaturel doit obligatoirement aboutir à un effet de terreur.

Le tome 1 (600 pages) s’occupe de l’Angleterre, de l’Irlande, de l’Amérique du Nord, de l’Allemagne et des Flandres. Le tome 2 (640 pages !) est consacré à la France, l’Espagne, l’Italie, l’Amérique latine, Haïti, la Pologne, la Russie, la Finlande et l’Extrême-Orient.

20€ les deux volumes, je n’ai pas hésité longtemps… À l’heure où le monde réel se révèle chaque jour un peu plus anxiogène, recourir au fantastique pour en ravager la solidité, voilà qui n’est pas pour me déplaire !


Posted

in

by

Tags:

Comments

2 réponses à « Ravager le réel »

  1. Avatar de francoiserenaud

    Plaisir fantastique à portée de main… en plus livres originaux en bon état…

    Qui aurait pensé dénicher une telle anthologie à Quissac ?!

    bonne lecture à toi, cher ami Philippe

    1. Avatar de Philippe Castelneau

      Eh oui ! C’était une belle surprise, ces deux beaux volumes qui n’attendaient que moi, visiblement !

Laisser un commentaire