L’amour est mort

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Il y avait fort longtemps que je désirais vous écrire, comme on croit pouvoir rattraper les années : mon âme voulait une dernière fois se tenir entre vos bras nus. Mon corps protestait ; mes genoux fatigués peinaient à me porter plus loin ; mes yeux d’avenirs mangés par les bourrèlements ne voyaient plus dans le vent que la pluie faisant rouiller les rêves ; ces rêves, où vous occupiez jadis une place à part.
À l’aube, un téléphone sonna dans le vide sans réussir à couvrir le silence des pages blanches du livre qui n’avait pas voulu venir.
Je m’affaissai peu à peu, m’abandonnant aux ombres. Le sommeil n’arriva jamais, mais le froid, oui, qui m’enveloppa tout à fait. Pour ne pas me perdre, j’avais jeté en chemin des pierres vives, comme autant de cailloux, et je ne pouvais même plus me tourner. Qu’importe : derrière soi, on ne laisse jamais que du vide. Tout disparait sous la neige quand arrive l’hiver.


Photo : Paris – août 2016.

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Comments

6 réponses à « L’amour est mort »

  1. Avatar de Eleonore
    Eleonore

    Émouvant… Merci.
    Bon dimanche soir.

    1. Avatar de Ph.C.

      Merci Éléonore…

  2. Avatar de Alexandra

    Love is dead… that writing actually looks so perfectly in place on that peeling, sad and weathered wall…

    1. Avatar de Ph.C.

      Sadly, it does, doesn’t it ?

  3. Avatar de Caroline D

    « Qu’importe, lui dit-elle, que vous ayez voulu venir ou pas. Pour moi, vous y étiez toujours. Même quand l’hiver faisait s’affaisser mon corps, que mes genoux me lâchaient, et que l’aube tardait à venir, toujours vous occupiez le silence. Et un jour, je n’ai plus eu besoin de la pluie pour couvrir le vide de votre absence – j’étais fatiguée, et je savais que vous l’étiez aussi. Et puis, j’aurais été la dernière à protester contre le froid ; en l’absence du sommeil, je pouvais regarder la neige écrire sur ce silence que nous partagions. Nos rêves perdus n’en étaient plus, et l’aube m’apparaissait enfin telle qu’elle avait toujours été : une âme, un chemin, un bourrèlement parfois certes, mais jamais inutile. J’ai écrit, et vous aussi. Et tout ce temps, mes bras vous ont senti, même à travers les pages blanches. Tout comme vous avez senti le vent d’hiver, lui qui vous aura rendu à la fois fort et faible. »

    Un clin d’œil, Philippe. Après m’être laissée bercer par tes mots, leur teinte, leur émotion. Une mise en abyme, un écho, en passant par la « cut-up machine », pas trop de réflexion, de l’automatisme plutôt. Pour le plaisir du partage. Et l’amour des mots forts. Les laisser parler. Merci Philippe.

    1. Avatar de Ph.C.

      Merci Caroline, bel exercice ! Merci pour ce cadeau 😉

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